samedi 28 février 2015

L'incroyable saga de la Porsche 911, un coupé mythique depuis 50 ans.

 

Avec le son rauque de son 6-cylindres et sa silhouette ronde, la sportive la plus célèbre du monde enflamme le bitume et les fans depuis sept générations. Un exploit.

Gargas, sur la route des Ocres, au milieu du Luberon. Classé en réserve de biosphère par l’Unesco, ce bourg de 3.000 habitants abrite un musée de la Lustrerie qui, chaque année, organise une exposition sur l’automobile. Luminaires et voitures de collection, quel rapport ? Le trait d’union, c’est un homme, un passionné. Spécialiste et restaurateur de lustres anciens qui travaille pour l’Elysée, l’Assemblée nationale, les ministères, Régis Mathieu aime aussi les belles autos. Il a, au pied du mont Ventoux, une magnifique collection de dix Porsche, dont trois 911. Parmi ces joyaux : une 911 S de 1966 ayant appartenu à Ferry Porsche, fondateur de la marque en 1948. Une voiture mythique créée précisément par Ferdinand Alexander Porsche, fils de Ferry.
La 911 est un cas unique. C’est la seule voiture restée en production jusqu’à aujourd’hui et qui demeure fidèle à son architecture mécanique initiale ainsi qu’à sa silhouette ronde originelle, sans discontinuité à travers sept générations. Rien à voir avec des recréations artificielles, comme la Fiat 500 ou la Volkswagen Coccinelle actuelle, qui n’ont strictement aucun point commun avec le modèle précédent. Cette Porsche fête aujourd’hui son 50e anniversaire. La production a certes démarré en 1964, mais le premier exemplaire de la sportive la plus célèbre du monde a été importé en France en 1965. Depuis, plus de 800.000 exemplaires ont été produits, dont 70% roulent toujours, selon le constructeur de Stuttgart.
"On peut être tous les jours en 911 pour faire des courses et faire ses courses", résume Régis Mathieu. "C’est une voiture mythique avec une carrosserie intemporelle", souligne de son côté Pierre Bertin [le nom a été changé, notre interlocuteur souhaitant conserver l’anonymat], transporteur, qui possède les sept versions successives de la 911 RS, la version la plus performante. Il a notamment acheté il y a deux ans une 2,7 litres de 210 chevaux datant de 1973, un modèle emblématique produit à moins de 1.600 exemplaires et très prisé des collectionneurs. Sa cote "peut dépasser le million d’euros dans les ventes aux enchères". Pierre Bertin en vante "le plaisir de conduite inimitable", quels que soient les millésimes.

Quand la 901 devient 911

Initialement, la 911 s’appelait 901. Mais, sitôt né, ce coupé dut immédiatement être rebaptisé, à la suite d’une réclamation de… Peugeot, propriétaire des numéros à trois chiffres avec un zéro central. La 911 prenait alors la succession de la 356, la première Porsche née juste après la guerre, dont 77.000 exemplaires furent assemblés en dix-sept ans. La 911 reprenait la disposition du moteur à l’arrière de la 356, comme sur une Coccinelle Volkswagen de 1938, dessinée par l’ancêtre Ferdinand Porsche, à la demande d’Adolf Hitler. La 911 de 2015 conserve cette disposition originale, même si la mécanique n’est plus refroidie par air depuis belle lurette.
Côté puissance, le nombre de chevaux s’est multiplié en cinquante ans. Le 6-cylindres à plat de 2 litres de cylindrée du lancement développait 130 chevaux. Aujourd’hui, une Turbo S en abrite 560. Si la silhouette et l’implantation mécanique ont été conservées, la technologie s’est maintenue au sommet, sans aucun passéisme. Longtemps fort délicate à conduire, la 911 s’est dotée depuis d’une transmission aux quatre roues dernier cri et de roues arrière directrices.
Avec un moteur Boxer à double suralimentation, une 911 Turbo d’aujourd’hui s’affiche même comme un fleuron technologique. On dispose de la boîte de vitesses à double embrayage à sept rapports (PDK) avec les fonctions d’arrêt et de redémarrage automatique du moteur (Stop&Start), comme sur une citadine. On est loin de la tenue de route délicate des premiers exemplaires, qui exigeaient des mains expertes. Fini, aussi, la boîte dure et un confort spartiate. Mais l’esprit reste le même, comme les sensations, même si elles ont été civilisées. Le coupé a été depuis longtemps décliné en cabriolet et en Targa, découvrable seulement au-dessus des deux places avant.

0 à 100 en 3,3 secondes

Le cabriolet Turbo que nous avons pu essayer développait 520 chevaux, avec des accélérations canon de 0 à 100 en 3,3 secondes, une vitesse de pointe de 315 à l’heure… Le plus extraordinaire est que cette fabuleuse sportive peut évoluer calmement en ville, sur un simple filet de gaz. Mais, dès qu’on taquine l’accélérateur, le 6-cylindres se réveille avec une sonorité rauque envoûtante, et les accélérations vous plaquent le dos au siège. Carrosserie et bruit ne passent évidemment pas inaperçus. Et ce d’autant que notre cabriolet arborait une capote rouge avec un intérieur en cuir tout aussi rouge. La capote en tissu sur une structure en magnésium s’ouvrait et se fermait en 13 secondes à peine jusqu’à 50 à l’heure… Une voiture inimitable qui conjugue avec bonheur tradition et haute technologie, fluidité et agressivité. C’est vrai : une 911 ne ressemble à aucune autre. Avec une merveilleuse qualité de fabrication. Pas comme une Ferrari ou une Aston Martin.
La qualité et la longévité permettent à la 911 de durer. Ce qui est très rare pour une sportive hautes performances. "Il y a une réelle fiabilité des voitures. La durée de vie est étonnante. Avec une très bonne disponibilité de pièces. Elles sont chères, mais on ne les change qu’une fois, et on en profite pendant vingt ou trente ans", assure Régis Mathieu, qui ajoute : "C’est une marque consciente de son patrimoine. Avec une ancienne, on est très bien reçu chez les concessionnaires." "La 911 constitue un excellent rapport fiabilité-plaisir. On peut rouler avec un budget d’entretien modéré", renchérit Pierre Bertin. Agressive, la 911 ? "Je n’ai jamais dû affronter de réactions négatives, de rayures, d’actes de malveillance, assure Pierre Bertin. Les gens sont admiratifs. C’est une voiture socialement bien acceptée. C’est moins m’as-tu-vu qu’une Ferrari." 
Pourtant, cette irremplaçable 911 a bel et bien failli disparaître dans les années 1970. Porsche était persuadé à l’époque qu’il lui fallait un modèle plus au goût du jour. La 911 était, en outre, longue et complexe à produire. N’osant pas décevoir la poignée de fanatiques fidèles, la marque décida in fine de poursuivre la saga. Une décision dictée par l’échec de sa remplaçante potentielle, la 928 à moteur avant. Un vrai bide. Ouf. Les ventes de cette 911 produite à l’usine historique de Zuffenhausen, dans la banlieue de Stuttgart, représentent encore 20% des ventes de la marque. Pas mal après cinquante ans ! Et les concurrentes ont fait long feu. L’actuelle 911 est très chère : de 92.240 à 212.600 euros. Mais les clients – "des entrepreneurs, médecins, notaires, avocats", selon Marc Ouayoun, directeur général de Porsche France – n’en ont cure.

La guerre des porschistes purs et durs

Les "porschistes" purs et durs cachent à peine leur mépris pour les récents 4×4 de la marque, comme le Cayenne, techniquement proche du Volkswagen Touareg, ou le Macan, apparenté à l’Audi Q5. Même si ceux-ci génèrent le gros des ventes de la firme. Car, n’en déplaise aux amateurs de 911, Porsche a dû s’adapter aux modes. Sinon, il serait resté un petit constructeur marginal aux volumes restreints, comme Ferrari, qui écoule moins de 10.000 unités annuelles, tous modèles confondus. Avec son immuable blason représentant un cheval sur fond jaune, emblème de la ville de Stuttgart, Porsche a battu son record de ventes en 2014 pour la quatrième année d’affilée. La fameuse marque allemande de voitures ultrasportives a livré 189.850 voitures dans le monde. Toutes continuent d’être produites en Allemagne, sauf le Cayenne, fabriqué en Slovaquie. "Nos usines tournent à 100% de leurs capacités", affirme Marc Ouayoun. 
Le constructeur est assis sur un trésor de guerre auquel la 911 aura bien contribué, même si le gros Cayenne génère l’essentiel des marges record, autour de 17-18%. C’est le constructeur le plus rentable de la planète ! Porsche se voit intégré au groupe Volkswagen. Grâce à la profitabilité de la marque, ce sont la famille Porsche et sa branche Piëch par alliance qui contrôlent la maison mère. Elles détiennent la majorité des droits de vote du consortium Volkswagen, loin devant le Land de Basse-Saxe (20%) et l’émirat du Qatar. On reste donc en famille !   

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